Il y avait deux pôles à la maison. Mon grand-père, le côté émotif, l'inventivité, la créativité, un coeur, gros comme le monde. Je viens d'ailleurs me faire servir un cadeau extraordinaire. Ma grande-cousine Gertrude qui a entendu mon grand père dire à sa mère:"En tout cas, Henriette, personne ne va m'enlever cet enfant que j'adore. Nous allons l'adopter et je me fou pas mal des voisins et des racontars. Cet enfant là, le l'aime et je le garde. Et depuis quand on laisse un enfant dans la rue?" (L'immense coeur de mon grand-père adoré!) A aidé, je ne sais plus combien de cousins à construire leurs maisons. Était lui-même, "architecte", concepteur de toute sorte de choses, modérateur de conflits. a même stoppé, à la demande de la police, un conflit qui allait se régler au fusil. C'était la vie de quartier à Montréal et tout le monde s'entraidait et nous avions aussi toutes sortes d'ethnies qui nous aidaient à ouvrir nos yeux sur le vrai monde et non sur une société rigide, catholique, blanche, où tout le monde pensait pareil. Ce n'était pas le cas dans notre quartier. Donc, pour mon grand-père, son monde était infini et son immense table à dessin ne fournissait plus l'imagination de cet homme. Et quand il me passait sa grosse main sur la tête, en me disant fais ton possible mon gars. Ce sont les seuls mots dont je me souvienne.

L'autre pôle, ma grand-mère. Le rationnel à l'état pur. Avait eu une expérience dévastatrice en affaires. S'était mariée "forcée", car il s'agissait du fils d'un médecin. Et dans le temps... A donc trouvé la vie rude. Il lui a fait sept petits et à la naissance du septième, le père était déjà mort. A toujours eu le sentiment de s'être fait avoir. Elle eut même deux commerces à l'époque. Un magasin de chaussures et un magasin de chapeaux, elle était chapelière. J'ai toujours eu le sentiment qu'on lui avait "cassé" les reins. Une femme frustrée, quoi! Elle avait eu une nounou pour tous ses enfants, sauf pour moi. Je pense vraiment qu'elle ne le prit pas. Était extrêmement bonne en couture, très rapide. Tous mes vêtements étaient fabriqués par elle, y compris mon p'tit manteau de fourrure, etc.

Pour elle, mon éducation était très importante. Elle m'amena plusieurs fois au théâtre. Les Compagnons de St-Laurent en particulier. Troupe qui avait vu le jour au Collège St-Laurent. Ma grand-mère avait une très belle voix.  Elle chantait donc en même temps qu'elle touchait le piano. Se pratiquait souvent avec la voisine d'en face. Donc, le samedi, à une heure, c'était sacré. L'opéra de New York en direct à la radio. Silence total à la maison. Je sentis, à un moment donné, qu'elle changeait progressivement d'attitude avec moi. Était comme surprise de mes apprentissages et prenait plaisir, à l'occasion, à m'enseigner toutes sortes de choses. C'est elle qui me fit démarrer ma collection de timbres. Pour un jeune de 11 ans?  Quand même. Cette collection de timbres me fit carrément faire le "tour du monde". J'étais bien impressionné des fameux timbres d’Afghanistan. Je vérifiais dans des livres de géo.(National Geo en particulier.) ce qui se faisait dans ce pays lointain. Je rêvais d'y aller. La grand-mère trouvait très important que je sois au courant des grands événements dans le monde. Elle était aussi un vrai livre d'histoire.  J'eus cependant une grande déception. On me refusa d'aller rejoindre mon oncle Camille à Paris. Question d'argent et chicane d'argent. Je dirais que c'était typique à la famille. Typique des Frégeau de mon côté. Ceci me fit très mal. Vous vous imaginez?  Invité à Paris, Londres et les merveilleuses Bermudes. Et en plus, j'appris des années plus tard que Camille m'adorait, car j'étais le premier enfant de son plus jeune frère, Charles. Ça ne mentait pas. À chaque fois que je rendais visite à Camille, il finissait toujours par avoir une larme à l'oeil. Je t'embrasse mon bon Camille. Je sais que, vivant, tu n'aurais jamais voulu. Beaucoup trop fort!  Mais les émotions, malgré tout, te traversaient la peau facilement. C'est une voisine qui me démarra à la lecture. Mme Piette. Des gens adorables, mais discrets. Toutes sortes de livres. Mes Bob Morane, je les mangeai tous comme de vrais p'tits biscuits. Jules Verne et "Mille Lieux sous les Mers!" La même chose. Je voyageais dans un autre monde. J'avais un oeil aussi sur ma tante Pauline qui était à n'en pas douter "le chef amiral" de la famille. Tout passait par elle, finalement. Avait la dernière guerre dans l'Armée Canadienne comme infirmière. On lui envoya régulièrement des caisses de lait en poudre pour ses bébés anglais de Londres. Faire une visite à Pauline, c'était faire une visite à la reine. Le p'tit doigt en l'air et la tasse de thé à 5hs. Incontournable. Vous comprendrez, qu'adolescent, ce n'était pas tellement la tasse de thé, mais le repas gourmet et gourmand qui suivait après qui comptait. Pour moi, c'était du filet mignon et rien d'autre. Une queue de homard en plus? Parfois. Je faisais une "joke" à ma mère bio., je m'en vais chez Pauline, à Buckingham. Elle me répondait, en riant, OK!  Bon voyage.