MES ANNÉES DE SYNDICALISME

NOTRE EXÉCUTIF SYNDICAL

1976-1977

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Tout fier, je devenais trésorier d'un des plus gros syndicats de la province. J'avais donc un pouvoir qui me permettrait de rendre service à bien des gens et j'en étais conscient. Je faisais peur à bien du monde. On m'a même menacé de mort. Ceci ne m'impressionna pas du tout. Je suscitais des jalousies bien humaines. Il y en a toujours. Ce furent des années emballantes mais aussi les plus souffrantes de ma vie car j'avais tout à apprendre dans bien des domaines et je le savais. 

Je ne peux pas ne pas remercier tous ceux, celles qui mon assuré leur encouragement. Je savais pertinemment que j'avais beaucoup à apprendre et j'ai appris. Merci à André Marcoux en particulier. Ce fut un véritable mentor qui me poussa à apprendre beaucoup. Quelle ne fut pas ma grande surprise lors de ma première rencontre comme trésorier avec les avocats du syndicat et tout le comité exécutif. Nous avions des manifestations en cour à ce moment à la GM. Je me souviens de René Carrière dont on s'inquiétait beaucoup. On avait peur que la SQ fonce dessus ce qui risquait carrément de le tuer. Des téléphones se firent à une vitesse incroyable pour rejoindre le maire de la ville concernée et toute une série de personnages qui permettaient de calmer le jeu finalement. Je dois dire que nous étions très près de la GM surtout avec les encouragements d'André qui était beaucoup pour la défense du monde ouvrier. André avait tout mon respect. J'avais tout à apprendre de lui. Il fut un incroyable mentor. C'est vraiment lui qui m'a ouvert, les yeux grands ouverts au syndicalisme que j'ai bien aimé, mais que j'ai aussi trouvé très essoufflant. J'avais été élevé en communauté religieuse. Donc, ignorant tout de la politique des gouvernements vis-à-vis les travailleurs. Si vous aimez les problèmes dans la vie, faite du syndicat. Vous allez apprendre pas à peu près. Quand j'ai quitté, mon auto était finie, tellement j'avais fait de la route avec, pour presque exclusivement la cause syndicale. Le plus bel événement que j'ai vécu fut ce voyage à Québec, en pleine tempête de neige, pour aller manifester devant le parlement contre le bill 61 ou autre. Je ne me souviens pas exactement. Comme trésorier, j'étais de toutes les manifestations. Donc, tempête, nous avions élu domicile au beau campus de Cap-Rouge. La manifestation fut calme, nous étions une vingtaine de personnes. En prime, le soir, nous eûmes le grand plaisir d'avoir une soirée de poésie avec Simone Monet Chartrand qui nous fit lecture de poésies de tous genres. Quelle soirée. Quel personnage que cette femme. Pas surprenant que Michel, lui-même, adorait la poésie. Je gardai toujours ce tendre souvenir dans mon coeur. C'était le nec plus ultra du syndicalisme engagé que je vivais. (J'ai beaucoup à écrire encore sur le sujet. Je vous reviendrai.) La plus grande consolation que je puisse avoir actuellement, c'est de voir que des jeunes ne se laissent pas abattre. J'ai été bien sympathique aux Carrés Rouge, très ému aussi, de voir des jeunes comme mon courageux Gabriel, se battre comme un démon pour maintenir la "barque" à flot. Ce n'est pas rien. Lisez son livre si vous avez du coeur. Car il s'agit surtout de coeur. C'est Franklin qui disait que les gens qui ne sont pas prêts à se battre pour leurs droits ordinaires ne méritent tout simplement pas d'avoir aucun de ces droits.

Représentant syndical, on m'avait demandé d'aller vérifier un chantier de construction. Y'avait des problèmes syndicaux disait-on. J'aimais les gars de la FTQ et les filles aussi, car c'étaient peut-être des gens rustaux, certains, mais ils ne t'envoyaient surtout pas dire ce qu'ils pensaient. Et cela, ça me plaisait beaaucoup. Toujours est-il que je tombe sur un homme mature de la construction, cinquante ans environ, et sur un jeune, vingt quelques années. Et les deux se chicannaient. Le vieux avait appelé le jeune, son "pit". Oui, mon pit, tu dois faire ça de même. Le bon papa quoi, dont le coeur s'exprimait ouvertement et le jeune qui protestait. "J'pas ton pit! C'est pas vrai." Donc, chicane affectueuse entre deux gars, l'un qui veut appeler l'autre "son pit" et le jeune qui proteste. Genre AFFECTION pour costaux. J'avais trouvé ça tellement beau. J'aurais tellement aimé que mon grand-père m'appelle son "pit". Tu t'imagines, s'aurait été dévastateur. Mais, dans le temps, la retenue était de règle. Pas chez tout le monde mais chez moi, oui. Mais pas tout le monde non plus chez moi. Camille! Dangereux. C'est un danger que j'aimais beaucoup. D'ailleurs ce fut mon grand problème dans l'enseignement. À la visite des parents, les parents qui venaient me parler de leurs jeunes. J'étais traumatisé de voir toute l'affection que ces gens avaient pour leurs jeunes...chose que je n'ai jamais vraiment connu.