J'ai premièrement été élève dans un collège huppé du temps. (On en sort définitivement marqué, dans le bon sens. Un étudiant de St-Laurent, ça possède une mentalité particulière, une éducation particulière. Ça sait se présenter en public. Nous avons une tenue particulière, un langage particulier et un comportement particulier.  Le genre de tous pour un et un pour tous existe. Nous sommes tous frères dans l'âme! Presque le genre d'une société secrète. Et nous nous traitons toujours d'égal à égal. Dans le temps, pour l'Expo 67, tous ceux de St-Laurent étaient automatiquement sélectionnés pour des postes. Tu ne pouvais y échapper. En tout cas, je n'ai pas réussi. C'était un "must".)

Des enfants des familles riches du Québec, mais pas seulement des riches ont fréquenté cette institution. Ils pouvaient être d'origine de familles honorables et même moins honorables comme, par exemple, des enfants de milieux carrément criminels. La direction du collège ne le savait jamais. Et pour le savoir, comme élève, il fallait avoir des confidences de certains élèves, ce que j'ai eues. Ce n'était pas la "flotte", mais quelques personnes seulement. En plus, ces élèves n'étaient, mais pas du tout, criminalisés.

J'ai vu, dans le temps, un entrepôt de 200 pds par 100 et d'au moins 20 pieds de hauteur, pleine de pavot. Le jeune voulait me prouver qu'il ne me mentait pas. Jamais parlé de cela à personne. C'était une promesse solennelle faite à un ami, c'était sacré. D'autant plus que c'étaient des gens que je fréquentais très régulièrement et qu'en plus, ils m'aimaient beaucoup. Ce fut totalement réciproque pour moi et ça le reste toujours.

Claude est toujours un très grand ami, mais, sa famille et lui pognés à la gorge par des menaces et autres, ils s'en sont complètement sortis mais ils sont riches et l'ont toujours été. Des gens "bien ordinaires", c'est pas marqué sur leur front. Ils auraient tout fait pour me faire plaisir y compris mon ami Claude, grand personnage public qui a pris sa retraite depuis un bon bout de temps. 

Ce qui m'impressionnait le plus quand j'allais chez Claude c'était premièrement sa piscine intérieure de toute beauté. Oui, des gens qui avaient de l'argent, mais qui la cachaient très bien. Personne n'aurait cru.  

La deuxième activité, qui elle était de beaucoup plus grande envergure, était tout cet équipement étourdissant, un immense système de communication internationale, une immense installation d'ondes courtes qui pouvait communiquer dans le monde entier. L'antenne était tellement énorme qu'on aurait dit voir un vaisseau spécial planté en permanence au-dessus de la maison. C'était difficile à cacher.

Je pris grand plaisir à en faire régulièrement de cette radio, des nuits complètes avec des gens du monde entier, car,  le jour, avec le soleil, les ondes ne fonctionnaient pas. Vous saviez. Je pouvais communiquer partout et l'oncle de Claude était reconnu pour y être un grand amateur. Pour l'ado. que j'étais, je fus grandement fasciné même si j'avais déjà connu le phénomène puisque mon cousin Bob était un grand sans-filiste aussi reconnu avec une ancienne antenne de guerre de l'armée italienne aussi énorme et si non plus.

J'appris plus tard, finalement, que le père de mon ami n'était absolument pas impliqué dans l'histoire. Il avait été forcé de servir de "cover up" à son insu, apprenant la chose quand tout fut complété. Mais ce n'était pas drôle comme histoire.

Comme je vous dis, dans ces bons collèges tu trouvais tous les contacts dont t'avais besoin. Ceci me ramena à la période des troubles qui se produisaient toujours à la St-Jean Baptiste, où la bataille prenait dans la foule et les manifestations viraient au vinaigre. J'étais loin de Montréal à l'époque. J'étudiais aux États-Unis, mais je voyais les nouvelles sur les journaux américains. Tout ça à mon grand étonnement. 

Le seul moment que je trouvai dramatique fut le jour, où en sortant de chez moi, je constatai la présence d'un soldat. Je n'étais au courant de rien. La fameuse loi des Mesures de guerre avait été proclamée dans la nuit précédente et voilà que l'armée se permit d'envahir le tout Montréal, chars d’assauts et tout et tout. Trudeau, le grand brigant, avait décidé de donner une bonne leçon au Québec en nous faisant peur. Plus de 300 personnes totalement innocentes furent incarcérées la nuit précédente, dont Gaston Miron et Guy Godin, tous les deux poètes. Vous vous imaginez. Tout cela, bien certain, orchestré en catimini par Bourassa, et Drapeau qui les deux avaient exigé d'avoir la loi des mesures de guerre. Le gouvernement du Québec avait totalement perdu la carte ce qui m'avait été rapporté par un bon ami, qui, lui-même avait fréquenté Le Reine Elizabeth du temps, en panique totalement. La GRC, n'ayant aucune information pertinente, ce fut aussi le bordel au fédéral.

Je n'ai pas du tout aimé ce moment d'autant plus que de tout bord j'avais des informations comme de quoi, tel ami de collège et tel autre s'était faits arrêtés dans les fameuses razzias style nuit de cristal. Ce n'était surtout pas à l'honneur du gouvernement et de ses commettants. Et j'appris entre autres que mes  amis incarcérés n'étaient peut-être pas torturés, mais étaient sérieusement bousculés et qu'on leur faisait manger de la nourriture quasi infecte.

Le temps pour moi, était arrivé, je devais agir. Ce n’est pas vrai que je laisserais "torturer" des amis sans lever le petit doigt d'autant plus que l'un d'eux était handicapé. Ce qui m'inquiéta au plus haut point. J'en vins donc à faire appel à une vieille connaissance qui connaissait une autre vieille connaissance qui elle aussi, connaissait une autre vieille connaissance, ce qui me permit d'avoir un contact privilégié pour intervenir auprès de mes amis éplorés. Surprise, un de ces soirs imprévisibles, ils reçurent tous dans leur cachot, un repas de grand seigneur, t-bone et tout ce qui allait avec. Une vieille connaissance à qui j'avais rendu service sans le savoir qui me fit la surprise de s'offrir "gratis" pour nourrir mes "amigos". J'en serai toujours grandement reconnaissant, mais malheureusement, tout ce beau monde qui m'a aidé est maintenant tout fort de sa belle mort. Pas de violence. 

Mais, un gars de collège, il lui reste toujours quelques contacts qu'il peut utiliser, le moment venu. Suite à d'autres rencontres dans d'autres milieux, certains douteux, je me mis à remarquer une certaine parade qui débuta une dizaine d'années au moins avant le développement du "grand événement". J'imagine que les Hells avaient des rencontres avec certains petits "cocos" de milieux que je fréquentais très prudemment. Pas besoin d'être une mille watts aussi pour deviner que présence de certains "grands" personnages à l'endroit où tu habites ne sont pas là par hasard. Tout ce que je souhaitais à l'époque, c'était la paix et je ne voulais voir personne, mais un policier à la retraite me fit remarquer la présence d'une bonne cohorte de certains personnages que je connaissais en plus de la présence de certains Hells Angels. Je n'aimais pas beaucoup. Non pas que j'avais peur, mais pas du tout. Je voulais simplement avoir la paix. J'étais en vacances et dans ma vie régulière, je n'avais jamais eu à faire avec ces gens. Mais le fameux policier à la retraite dont je n'aimais pas beaucoup la présence, car il avait une trop grande gueule à mon goût et semblait vouloir se mêler des affaires de tout le monde. De toute façon j'ai fini par m'en débarrasser, mais les informations qu'il me donna furent très précieuses.

Le temps passa et tous les étés, à l'endroit ou j'allais prendre mes vacances, je remarquais toujours quelques Hell's et quelques fois mon policier à la retraite, mais achalant, mais, tout à coup, il disparut de la place à ma grande satisfaction, mais pas ces quelques Hell's qui s'amenaient subrepticement. J'eus vraiment le sentiment que ceux-ci d'étaient carrément trouvé une planque idéale pour venir se reposer sans avoir les policiers ou autres à leur trousse et ils n'allaient surtout pas m'avoir sur leur chemin. Je voulais simplement la paix.

Mais, un de ces jours, à mon grand désappointement, je vis arriver un immense autobus Provost. Tout aménagé, d'une valeur d'au moins 1 million et sûrement plus, qui tirait un genre de garage mobile qui contenait une belle voiture, commande spéciale, et deux motos Harley Davidson et sur l'arrière de l'autobus, il y avait une licence qui ne mentait pas, CHAPTER II, une filière des Hells. À mon grand désespoir, le chauffeur du véhicule ne savait pas trop conduire se mit à reculer avec ce véritable convoie.  Je lâchai un cri terrible pour l'aviser de mettre les freins. Il se dirigeait directement sur un arbre qui aurait fait pas mal de mal à son garage ambulant. Lise était un peu paniquée, car l'ami moins futé fut notre voisin de camping pour une semaine. Gentil, après s'être bien installé avec mon aide, il sortit avec deux bières dans les mains, une pour lui, et gentiment, une pour moi. J'avais reconnu l'individu, mais je n'en parlai pas. Il venait faire de la réparation de tuiles dans la région, me dit-il. Ce qui justifiait sa présence. Comme je ne suis pas tout à fait une valise, je devinai bien vite que "mon ami" avec quel qu’autres intentions saugrenues.

Je compris rapidement la situation quand, en revenant d'une soirée en ville, nous nous ramassions, à la clôture d'entrée principale, avec un groupe très impressionnant de personnes, toutes habillées très chics. Limousines ultra-luxueuses à quatre portes, Hummer, tous nickelés, des personnes en quasi tenues de bal et des jeunes qui sautaient tendrement au cou de leur oncle ou autre. Cette rencontre n'avait rien d'une rendez-vous ordinaires avec en plus, d'immenses roulottes situées au début du terrain, à l'intérieur de la propriété. C'est évident, c'est un gros partie qui s'organisait pour la fête de quelqu'un sans doute, et qui devait débuter un peu plus tard que l'heure de fermeture de l'établissement pour éviter d'attirer l'attention d’yeux "malveillants". On vint me voir pour me faire ouvrir la clôture qui était fermée au cadenas. J'avais la "combinaison". J'étais donc le seul à pouvoir l'ouvrir et, encore une fois, quelques enfants tout près venaient sauter au cou de celui qui semblait être le personnage qu'on se préparait à fêter. J'ai une très bonne mémoire des figures, et cette fois, je remarquai très bien qu'il devait s'agir de Vito qu'on avait fait sortir de l'ombre, pour le temps d'un soir, pour raisons humanitaires, car, à son retour au Canada, il ne dura pas un an. Et il s'approcha de moi et me dit en anglais:"Don't tel me that a guy from Montréal will stop me to get in this place." Tout cela dit, avec un air jovial. Aucune menace dans le ton, et je me mis à rire et lui dit. "Listen, I've got a real problem. For sure one of the two numbers is the good, but I couldn't tell you wich one. So, we've got to try both." Alors, vous allez tenir mon papier de notes et je vais tenter d'ouvrir le cadenas. Il tint donc mon papier et j'essayai le premier numéro. Ça ne marchait pas. On passa donc au second et....tout fonctionna. La grande porte s'ouvrit. "You see, we made it. You, for sure are happy with all your people." "Thanks, thanks!" Qu'il me répondit. Je suis sûr qu'il s'agissait de Vito à qui on avait permis cette sortie pour faire des adieux à la famille, pour raison humanitaire, ce qui se fait régulièrement dans les prisons. Je ne l'avais jamais rencontré avant, mais il me parut un peu fragile pour un homme de sa trempe, accusé de trois meurtres. Il savait sans aucun doute que son heure avait sonné, surtout qu'il avait la réputation de fumer comme un engin. Pas question pour moi de lui parler des Hell's que je connaissais, rien de cela, mais je remarquai, en passant à proximité de la troupe, que nos deux voisins Hell's étaient bel et bien présents à la fête. Pas de doute. Notre endroit de vacances était devenu avec le temps un lieu discret de rencontres pour une certaine "haute". D'abord qu'on me laissait la paix, tout le monde pouvait faire ce qu'ils voulaient. Vous auriez du voir le chic de ce monde. Je me pensais au Ritz, rien de moins. C'était la "grande" rencontre d'adieu avec le parrain que j'avais salué bien respectueusement.  Peut-être quelqu'un lui avait-il parlé de moi. Je ne sais vraiment pas. J'ai prié pour lui jusqu'à sa mort. On est dont petit devant la mort.

Toute une histoire où j'ai parfois croisé des gens importants du milieu sous-terrain, mais je n'en ai connu qu'un personnellement. En général c'était toujours par personne interposée. Celui que j'ai connu personnellement, je peux me vanter d'avoir été de ceux qui l'ont encouragé à prendre le droit chemin. Vous savez, avoir vécu ce qu'il avait vécu, j'aurais peut-être fait pire. Car le crime organisé a plus d'un tour dans ses poches. Je peux fermement vous l'affirmer. Une bête erreur de jeunesse, c'est ce qu'il avait fait. Et s'il advenait qu'il me lise, tout ce que je lui dirais, je le serrerais bien fort sur moi. Il a toujours connu ma marque de fabrique.