Chère Hélène, je n'oublie pas. Voici ce qui s'est passé dans l'arrière-scène du Réseau. Pour te consoler, voici une lettre que me faisait parvenir le directeur du programme de la Régie Régionale du temps.  Lettre que j'ai lue il y a, à peine quelques mois, tellement la somme de courrier que je recevais à l'époque était immense. C'était une lettre que j'avais oubliée. 

UN ADIEU ÉMOUVANT AUQUEL JE N'AI JAMAIS RÉPONDU TELLEMENT LES ÉVÉNEMENTS S'ÉTAIENT BOUSCULÉS. GRAND, GRAND MERCI FRANÇOIS DE LA RÉGIE RÉGIONALE.

!!! Quoi dire de plus. Je savais que le grand saut était proche, mais
quand même. Je suis heureux pour toi. Tu vas manquer à ASTUCES. Tu
vas
manquer aux partenaires avec qui on travaillait et je suis sûr à
beaucoup
de tes collègues et élèves de l'École Curé-Antoine Labelle. Tu vas me
manquer. Des leaders comme toi, c'est une denrée rare. Je me console
en
me disant que lorsque quelqu'un comme toi sème avec autant
d'énergie et
de générosité le désir d'aider ses proches, ça ne peut s'oublier et ça
laisse des traces.

Je pars pour vacances vendredi et je serai de retour le 5 août.
J'aimerais
bien que nous dînions ensemble aux Menus plaisirs un midi au cours du
mois
d'août. En attendant, profite bien de l'été et savoure les premières
heures de cette nouvelle vie qui s'inaugure. C'est plus que
mérité.

Au plaisir

François Godin
Directeur des programmes CSSS Laval 

MERCI ENCORE MON FRANÇOIS. ON SE FERA UN CLIN D'OEIL À UN MOMENT DONNÉ, J'EN SUIS SÛR. TU ME CONNAIS, N'EST-CE PAS. J'ATTENDS LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE PRÉVENTION DU SUICIDE DU MOIS DE JUIN PROCHAIN. PAS RIEN N'EST-CE PAS?

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Il est certain que je ne prends pas ses félicitations seulement pour moi. Qu'est-ce que j'aurais été, tout seul, à essayer de faire quelque chose. Je n'aurais été rien. MERCI À TOI HÉLÈNE ET À TOUS CEUX, TOUTES CELLES QUI M'ONT AIMÉ. Car, je l'avais compris, il s'agissait bien d'amour et de nulle autre chose. J'ai été très, très, gâté de vous connaître et comment vous m'avez appris...et fait rire. Oui, car au Réseau pour moi, le rire était fondamental. Cette joie que nous avions tous ensemble de nous réunir afin de solidifier ce ciment de la solidarité qu'il nous faut pour aider "l'autre".  Oui, j'ai été un gros toutou gâté. Rien de moins. Ceci me donna bien sûr comme à nous tous une énergie épouvantable capable, ma foi, de nous mener sur la "lune". Nous avons finalement atteint la "lune", y'a pas de doute.

Ce ne sera pas une nouvelle pour personne de dire que le Réseau, à un moment donné, se mit à "s'éroder" pour toutes sortes de raisons. À un moment donné, je vis que c'était devenu inévitable. Il manquait beaucoup trop de bras au travail. Des circonstances non voulues et voulues firent le reste.

Le départ de Raymond fut le début de la fin pour le Réseau, pour nous tous et pour moi en particulier. Une vengeance de la part de la direction que ce départ? D'une pierre, deux coups. On se débarrassait de Raymond (Vengeance politique!) et du Réseau à moyen terme. À l'époque, la Corporation des psychologues avait organisé une véritable vendetta pour que ceux-ci fassent des pressions costaudes auprès des directions des commissions scolaires afin de se débarrasser de ces fameux (ses) techniciens en psy. et en prévention des drogues, etc.. Les deux "Marie" furent mutées en un temps record. Ce fut une grosse perte pour le Réseau.  Je sentis même une certaine lassitude d'une psychologue à un moment donné. Tout se mélangeait. Nous avions aussi quelques adultes à l'interne qui nous nuisaient plus qu'ils nous aidaient. Ça m'a coûté cher de Band Aid chère Hélène à un moment donné. Je n'ai jamais parlé de rien à personne. C'était inutile. Sans compter la direction qui commençait à s'essouffler. C'est sans doute la pire chose. Un organisme comme le Réseau qui devenait dépendant d'une direction qui voulait ou qui ne voulait pas. Le manque de sérieux du Ministère de l'Éducation devenait flagrant. On se servait des belles actions des réseaux pour se péter les bretelles alors que tout ça n'était que du bénévolat même pas encadré et encore moins encouragé. À part de tout le temps qu'il fallait mettre pour faire avancer les choses. Tu te doutes que le Réseau me coûta très souvent des soirées complètes jusqu'à 2hs du matin régulièrement. Il fallait gérer, avoir l'oeil, consulter, se faire connaître. À la fin, je recevais une correspondance bilingue d'une foule d'organismes auxquels je répondis sans défaut.

Et finalement, je ne parlerai pas trop de la jalousie, des mesquineries, envies de toutes sortes qui nous menaçaient. Je n'aurais jamais cru voir des gens collaborer au Réseau pour faire du véritable espionnage, à savoir si la direction nous donnait des avantages qu'elle ne donnait pas à d'autres. Gilles Deslauriers fut un fin finaud dans l'affaire pour nous protéger de toutes sortes de façons. Il fut certainement le Vaisseau amiral qui permit une existence sereine du Réseau. Pour moi, cette jalousie et autres étaient tout simplement de la p'tite "friture" qui me tombait sur le dos comme l'eau sur le dos d'un canard. J'avais bien d'autres choses à faire.

À un camp que nous eûmes à St-Esprit, une équipe fédérale était venue nous évaluer sans que nous le sachions. Le résultat me "jeta par terre". Nous étions le seul Réseau de ce type au Canada. Nous étions uniques au Canada à cause surtout de la formation de JEVI  que nous donnions aux jeunes. Je n'avais pu donner cette information à tout le monde, car il y avait un côté confidentialité que je devais respecter. Donc, nous avons eu plus d'un ruban du mérite, tous ensemble. Je te jure. En vint le moment ou on nous invita à participer à une recherche par le biais de nos jeunes qui servaient comme personnes expérimentales dans le cadre de la recherche qui s'annonçait.  Pas rien n'est-ce pas? Et cet été, du 16 juin au 20, un immense atelier offre l'approche inspirée de l'action au Réseau à des centaines de personnes. Hum! Pas rien nonn plus n'est-ce pas. C'est le fameux projet ASTUCE qui a déjà sauvé beaucoup de vies à date.

Mais la direction ne s'intéressait plus au Réseau et souhaitait quasi sa disparition. J'en profitai quand même au max. sachant très bien qu'on ne pouvait me refuser l'argent que je demandais. Comme l'argent est le nerf de la guerre, je leur en fis voir de toutes les couleurs. Des adultes se permettent de dire à un jeune, à un moment donné, après lui avoir fait passé une sorte de test, qu'eux, ces adultes, connaissaient mieux ces jeunes que les jeunes eux-mêmes. Une horreur comme attitude d'intervenant.  Alors, là, ça n'allait plus du tout et certains qui étaient jaloux ou que le Réseau dérangeait en profitèrent. J'insistai auprès de la psy. pour qu'elle corrige le tir, car c'était elle la professionnelle du Réseau qui devait faire quelque chose. Elle n'en fit rien, étant plutôt du "côté" de Jean-Pierre qui voulait réduire le personnel intervenant au minimum. Il le fit et fut récompensé par un bon bonus, semble-t-il. Donc, d'un côté, la Commission scolaire nous encourageait et de l'autre, nous tirait dans le pied.

Un autre événement malheureux se produisit à la même époque. Une journaliste, pour je ne sais quelle raison et à qui j'avais même refusé de la recevoir par manque de temps se permit de sortir un papier "virulent" qui touchait au Réseau et d'autres événements dans la Revue L'Actualité. Elle me citait comme si j'avais été celui qui avait la main haute sur tout ce qui s'appelait suicide sur la côte nord de Montréal. C'est Jean Comeau qui m'apprit la nouvelle 2 ou 3 semaines suivant la parution. J'achetai l'édition et découvrit bien vite que le contenu était tout simplement incendiaire, ce qui produisit une peur bleue chez la direction d'école qui se voyait dévoilée sur la place publique. Ce qui fit aussi "trembler" la direction fut une nouvelle explosive à propos du suicide du petit Boukala Lacombe à Cartier, le tout dans le même article. Toutes les ampoules de toutes les cellules du Centre Cartier avaient été ajustées pour être anti-suicides sauf celle qui se trouva dans la cellule du jeune Boukala. Ce fut fatal. On le trouva inerte dans sa cellule. J'avais vu le jeune en question à midi,  le jour même de sa mise à la porte de l'école. La direction avait décidé de l'évincer pour violence sans aucune forme de suivi comme de consulter Claudine ou moi-même. L'article de l'Actualité rendit la direction tout à fait hors d'elle-même et pour se venger, elle s'attaqua à qui tu penses? À moi. On me cherchait des puces comme soi-disant qu'il y avait beaucoup d'erreurs dans mes notes d'élèves. Ce qui se révéla totalement faux. On vint espionner mes documents que j'avais en réserve dans le local du Réseau. On en vint presque aux coups avec moi. Je ne voulus surtout pas provoquer quoi que ce soit. C'était totalement inutile puisqu'il y avait un tout petit groupe de rien qui restait au Réseau et que je gâtais le mieux possible.  L'autre chose qui m'intéressait au plus haut point était cette recherche concernant une approche novatrice, le projet Astuce qui allait dorénavant immuniser les jeunes contre le suicide. Donc, tout était en place pour finaliser le projet du Réseau en beauté. 

Tout se mit en place pour la réalisation de la fameuse recherche. Raymond avait communiqué une liste de noms de jeunes très à risques et très problématiques. C'est eux qui devaient servir de première cohorte expérimentale pour le démarrage d'Astuce, ce projet d'immunisation pour les jeunes. Bien sûr que je n'avais aucun signe de vie au sujet du projet de la part de la direction. J'avais pourtant acheminé à Jean-Pierre un document de toute beauté qui donnait en détail toute la présentation qui devait se faire au congrès de Genève de fin juin 2002. Un petit mot de remerciement, mais rien d'autre. Dans le fond, je pense bien que la direction n'y voyait que tu feu, ils auraient préféré contrôler ce qu'il pouvait et exclure le Réseau.

L'histoire du p'tit Boukala Lacombe revint brouiller les cartes, car ça se parlait de plus en plus dans les journaux et on parlait d'une possible enquête du Coroner sur le sujet. Panique encore! Je sentis que la direction, cette fois, était vraiment secouée et ne savait plus du tout à qui s'en remettre. Je communiquai avec le Coroner à Québec et lui suggéra d'éviter de passer par Curé-Antoine-Labelle, qui dans le fond avait été un joueur assez éloigné considérant tout le temps qui s'était passé entre le moment de l'expulsion du jeune et de son suicide. Ce n'était qu'un prétexte de ma part, je préparais déjà ma retraite, mais personne ne le savait. 

À force de chercher, on finit par découvrir d'où venait l'article de l'Actualité. Un couple puissant et en panique, qui avait perdu son enfant par suicide s'était mis en frais de se venger contre tout ce qui bougeait. On s'en prit à la Corporation des Médecins du Québec, pas rien n'est-ce pas. On s'en prit aussi aux services sociaux que l'ont accusait de tous les mots concernant la prévention du suicide. Bref, ces gens, dévastés par la mort de leur enfant avaient choisi la pure révolte pour réagir à la mort de leur jeune. Beaucoup de ce qu'ils disaient était faux, car le ministère avait entrepris depuis des années une réponse vigoureuse au désastre de nombreuses mortalités par suicide chez les jeunes. Mais il fallait attendre, à mon avis, que le "feu" s'éteigne de lui-même. Ça ne servait à rien d'engager des débats qui auraient été totalement inutiles.

De mon côté, à la toute dernière minute, je décidai d'aviser le bureau du personnel de mon intention de prendre ma retraite. La nouvelle n'était pas sans soulever des questions de la haute direction mais je n'insistai pas et je préparai en vitesse mon départ. Documents, dossier. J'avais décidé de ne laisser rien dans les mains de personne. Tout fut détruit. L'équipe de recherche avait de toute façon tout ce qu'il fallait pour s'exécuter dans les démarches concernant la recherche d'Astuce. J'étais tout fier de cet aboutissement mais la direction n'en sut rien car elle ne voulait pas savoir. Personne d'ailleurs ne s'intéressa à prendre soin des outils que j'avais laissés pour le processus thérapeutique. On laissa une enseignante s'emparer du local comme si de rien n'était. Les engagements avec la Régie et tout ce qui s'en suivait tombait comme à l'eau avec ces gens dont le seul propos était leurs petites personnes. Ils en eurent pour leur petit change car des événements plutôt scabreux allait ébranler leur montage pour avoir plus de pouvoir. Curieux l'humain, quand il se sent menacé. Ce fut la panique. Plusieurs de ces personnes venaient d'une autre école ou il s'était passé des choses douteuse et j'imagine que leur venue à notre école était en genre de fuite qui leur permettait de se "couvrir". 

C'est  très désolé que je dus m'éclipser sans avoir la politesse et le plaisir de saluer toute l'équipe. Comme j'ai dit à M. Réal Labelle que j'ai croisé au congrès, "Je ne vous avais pas abandonné, cher Réal." ...mais les événements se précipitèrent trop rapidement pour que je puisse faire le moindre gente possible. Je quittais, tout fier de savoir, que nos jeunes les plus vulnérables allaient être pris en charge par une équipe experte dans l'intervention pour jeunes en détresse.

Je voyais aussi se terminer toute une démarche qui avait durée plus de 10 ans et avait vu au moins 11 groupes différents de 50 jeunes environ à chaque année, qui avaient été énergiquement formés à 40 heures de prévention suicide, la formation offerte par JEVI, Sherbrooke, avec qui nous avons toujours fait affaires et avec la très belle collaboration de Mme Sylvaine Raymond de la Cité de la Santé de Laval, à l'époque. Elle fut avec nous presque toujours pour nous conseiller et faire en sorte que notre démarche puisse être un succès, ce qui fut le cas. Notre premier Réseau se greffa à cette très belle initiative de la Cité qui avait pour thème:"Dis-nous comment!"... prévenir le suicide dans ton milieu. Avec les nombreux suicides que nous avions eu à l'époque, ce projet provoqua un engouement qui nous apporta la collaborations de dizaines d'adultes prêts à devenir des accompagnateurs auprès des jeunes qui voulaient s'engager à devenir des "sentinelles" pour possiblement identifier des personnes à risque et faire de l'accompagnement. Nous pouvons facilement parler ici de centaines de jeunes.

Bien certain, qu'avant d'initier un tel projet, une formation pour adulte avait été offerte à tous les adultes intéressés de participer à ce projet. Le directeur, M. Gilles Deslauriers obligea tous les enseignant(e)s et le personnel de l'école à recevoir une formation d'appoint pour savoir quoi faire au cas d'urgence. C'est avec l'encouragement peu commun de ce directeur et de son adjoint, M. Richard Cloutier qu'il nous fut possible de démarrer sur le bon pied pour faire un succès de cette opération. Des dizaines d'adultes s'impliquèrent en organisant toutes sortes de projets afin de sensibiliser l'école suite à deux ou trois suicides de jeune d'affilée qui avait totalement ébranlé le milieu.  

 

(À suivre...) 30 juin 15